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Blog médical et geek de médecine générale :
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mercredi 12 mars 2014

L'art et la manière


J'ai vu un patient d'une vingtaine d'année qui venait pour des oreilles bouchées. En fait, en creusant un peu (mais vraiment pas beaucoup) ce qui le faisait consulter, c'était une urétrite à gonocoque (une "chaude-pisse "comme dans la ligne verte). Il a très vite compris que son rapport non protégé d'il y a quelques semaines était en rapport avec ce désagrément.
Donc, suivant ce que j'ai appris, je lui fais le bilan des autres infections sexuellement transmissibles (IST) pour chercher s'il n'avait pas eu une autre infection. Je pensais avoir pris le temps et été clair sur mes explications, mais sa question juste après avoir payé m'a remis à ma place :

"Mais docteur, du coup, j'ai rien attrapé là."

Restant zen, mais ne pouvant éviter de penser pendant une fraction de seconde à une réponse plus qu'impolie, je rétorquais calmement:

"Si, il y a bien une infection bactérienne, que l'on va traiter par antibiotique. Mais, pour ce qui est du VIH, il faut faire la prise de sang pour être sur."

Parce que bien évidemment, c'est le VIH qui pose problème. C'est ce qui donne le SIDA, et ça serait dommage de le chopper pour la seule fois pour laquelle on ne se protège pas. Mais malheureusement, ça arrive, donc je lui ai réexpliqué. Et si j'ai du le faire, ce n'est pas de sa faute, c'est parce que je me suis mal exprimé à ce patient qui avait déjà assez peur comme ça de ce que je pouvais lui dire.

Tout cela pour venir au fait que peut être, chez ce patient, ou chez un autre, j'aurai à annoncer une séropositivité pour le VIH, et que l'annonce d'une maladie grave est la chose la plus difficile qui soit en médecine.
Si on ne sait pas faire un diagnostic, on adresse le malade. Si on ne sait pas traiter une maladie, soit on adresse, soit on jette un coup d’œil rapide à nos sites de référence. Si on a du mal à expliquer quelque chose, on peut s’appuyer sur des fiches patients. Mais quand un médecin doit annoncer une maladie grave, une infection par le VIH ou un cancer par exemple, il est seul pour lui annoncer, seul face au patient, qui est un être sensible, inquiet, anxieux, seul lui expliquer sa maladie, seul pour donner au patient la première vision de sa maladie, une vision qui sera déterminante dans le ressenti du patient tout au long de sa prise en charge.

J'ai vu de nombreuses façon d'annoncer un cancer. Du chirurgien digestif qui entre dans la chambre et qui dit "Bon, c'est un cancer comme on le pensait, donc on vous opère dans deux jours comme prévu" avant de repartir, à l'interniste qui tourne autour du pot pendant 2 semaines, de sorte que la famille est au courant, et que le patient décède avant même qu'il ait eu le diagnostic.

Bref, j'ai appris mon item n°1 pour l'ECN , j'ai assisté à de "magnifiques" annonces à la fin desquelles les patients remercient le médecin pour son tact, je me suis entrainé via des jeux de rôles dans lesquels on annonce à un collègue qui joue le rôle du patient avant que notre démarche soit critiquée par des médecins spectateurs. Avec tout cela, je n'ai pas eu à faire "moi même" et seul face au patient de consultation d'annonce. (et c'est peut être pas plus mal....)

Je m'entraine sur des annonces de maladies moins grave (asthme, HTA dont le retentissement sur la vie des patients n'est pas négligeable déjà), mais bien que mes maitres de stages souhaitent cocher la case "satisfaisant" lors des évaluations, je les rectifie pour qu'ils mettent "à améliorer". Tant que je n'aurait pas été confronté à cette situation, je pense que je ne me sentirais pas prêt.... si tant est que l'on peut un jour être prêt à annoncer une mauvaise nouvelle...

Un grand bravo et beaucoup de courage à ceux qui ont la lourde tache d'annoncer ces maladies au quotidien... Alors quand je reverrais ce patient avec ses résultats biologiques recherchant les IST, j'espère que tout sera normal, et que je n'aurai pas à rejoindre le club des annonceurs de mauvaise nouvelle (du moins , pas encore...)



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